États-Unis : la Cour suprême sermonne Donald Trump après son appel à destituer un juge
US President Donald Trump speaks during a press conference with British Prime Minister Keir Starmer in the East Room of the White House in Washington, DC, on February 27, 2025. Starmer is meeting Trump to plead for a US backstop to any Ukraine ceasefire, insisting it would be the only way to stop Russia's Vladimir Putin from invading again. Starmer arrived in Washington late Wednesday to build on a visit by French President Emmanuel Macron, amid growing concerns in Europe that the US leader is about to sell Kyiv short in negotiations with Putin. (Photo by SAUL LOEB / AFP)

États-Unis : la Cour suprême sermonne Donald Trump après son appel à destituer un juge

Source : La Nouvelle Republique.fr
19/03/2025

La Cour suprême des États-Unis a rappelé à l’ordre Donald Trump, en déclarant qu’il n’était pas fondé à exiger la destitution d’un juge fédéral. Le président américain s’en est offusqué, avertissant que le pays courait « droit à l’échec ».
L’administration du milliardaire républicain est en conflit ouvert avec la justice depuis plusieurs semaines. Mais un nouveau seuil a été franchi mardi avec les appels du président à ce qu’un juge fédéral, qui avait ordonné samedi la suspension d’une opération d’expulsion de migrants, soit « destitué ».

« Depuis plus de deux siècles, il est établi que la destitution n’est pas une réponse appropriée à un désaccord à propos d’une décision de justice », a rappelé dans un communiqué John Roberts, le président de la plus haute juridiction du pays, sans citer directement Donald Trump. « La procédure ordinaire d’appel existe à cette fin », a-t-il souligné, dans une rarissime expression publique.
Donald Trump avait lancé juste avant l’une de ses attaques les plus directes contre l’institution judiciaire. « Ce juge, comme beaucoup des juges corrompus devant lesquels je suis forcé de comparaître, devrait être destitué », a-t-il réclamé sur sa plateforme Truth Social à propos de James Boasberg, magistrat fédéral à Washington.
« Si un président n’a plus le droit d’expulser des assassins et autres criminels parce qu’un juge gauchiste et cinglé veut jouer au président, alors notre pays a de gros problèmes et va droit à l’échec ! », a insisté Donald Trump dans la nuit de mardi à mercredi, après la communication de la Cour suprême.
Une loi d’exception de 1798
Aussi rare qu’il soit, le rappel à l’ordre du président de la Cour suprême n’est pas inédit. En 2018, lors du premier mandat de Donald Trump, John Roberts était déjà sorti à la surprise générale de sa réserve pour recadrer le président républicain qui, déjà, avait accusé un magistrat d’être partisan. « Il n’y a pas de juges pro-Obama ou de juges pro-Trump, pro-Bush ou pro-Clinton », avait-il souligné
Saisi en urgence, le juge Boasberg avait ordonné samedi la suspension pendant 14 jours de toute expulsion de migrants menée par l’administration Trump sur la base d’une loi d’exception de 1798. Cette loi permet en temps de guerre d’arrêter et d’expulser des « ennemis étrangers », mais Donald Trump l’a invoquée, pour la première fois, en temps de paix. Le juge a en particulier exigé d’interrompre l’expulsion vers le Salvador de plus de 200 membres présumés d’un gang vénézuélien. L’administration Trump a fait valoir que les avions avaient déjà décollé et même quitté l’espace aérien américain quand le juge a rendu sa décision écrite et qu’elle n’y a donc pas contrevenu.
Lors d’une audience lundi, le juge s’est cependant montré sceptique et a sommé le gouvernement de s’expliquer. Ce dernier s’est exécuté en réaffirmant qu’aucun avion transportant des migrants expulsés sur la seule base de cette loi d’exception n’avait décollé depuis la publication de la décision du juge. Celui-ci a néanmoins réclamé des informations complémentaires sous 24 heures.

Les juges dans le viseur de Donald Trump

De nombreux décrets pris par Donald Trump depuis son retour à la Maison-Blanche ont été attaqués en justice, et souvent suspendus par des juges estimant que le président outrepassait ses prérogatives, notamment au détriment du Congrès. Le premier président des États-Unis condamné au pénal s’en est souvent pris à l’institution judiciaire. Mais depuis le début de son nouveau mandat, il n’avait pas jusqu’alors appelé lui-même à la révocation d’un magistrat.
Les juges fédéraux sont nommés à vie par la présidence. Une éventuelle procédure de destitution passerait d’abord par une mise en accusation devant la Chambre des représentants. Si celle-ci l’approuvait, le processus suivrait son cours avec un procès au Sénat. Et pour que la destitution aboutisse, la chambre haute devrait alors voter pour aux deux tiers. Une procédure lourde et vouée à l’échec en raison de l’actuel paysage politique américain. Les destitutions de juges fédéraux sont rares. La dernière remonte à 2010.